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Thé, Cakes et Socialisme
20 juin 2005

Europe...Sortons de l'Impasse !


Europe : et maintenant ?

par Jean-Louis BIANCO


Quelle tristesse et quelle honte que le dernier sommet européen ! Comment ne pas partager les paroles de Jean-Claude Juncker, Président en exercice de l’Union européenne, lorsqu’il a dit : « j’ai eu honte lorsque j’ai entendu l’un après l’autre tous les nouveaux pays membres – tous plus pauvres les uns que les autres - dire que dans l’intérêt d’un accord, ils étaient prêts à renoncer à une partie de leurs compensations financières ».

Il est vrai que le résultat des référendums français et néerlandais a provoqué un véritable séisme. La crise européenne se déroule sur de multiples fronts : ratification de la Constitution, évidemment, mais aussi budget, politique agricole commune, euro, futurs élargissements. Les dirigeants européens pataugent, ce qui montre qu’eux en tout cas n’avaient pas de plan B.

Que s’est-il passé lors des référendums français et hollandais ? D’abord, le non français, comme le souligne Hubert Védrine, vient de loin. Maastricht avait constitué un avertissement, aussitôt oublié. Il est clair que les Français, dans leur grande majorité, y compris beaucoup de ceux qui ont voté oui, ne veulent pas d’une Europe jugée trop libérale. Ils ne supportent plus une façon bureaucratique et dogmatique de niveler le marché unique à coups de directives tatillonnes – plus même qu’aux Etats-Unis ! Ils n’ont pas « digéré » l’élargissement massif de l’Europe, asséné comme une dette morale non discutable. Et, pour citer encore Védrine, il s’est produit un carambolage fatal entre la volonté d’intégration européenne et la vague libérale de dérégulation mondiale et de mise en concurrence.

Le vote néerlandais est de nature en partie différente : plus souverainiste, plus anti-européen, plus xénophobe. Mais le cas néerlandais comme l’évolution des opinions publiques montrent qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème français, mais bien d’un problème européen.

La question centrale n’est pas celle du traité, de la Constitution, des arrangements institutionnels mais l’absence d’une identité européenne claire, économique et sociale, dans un monde qui se globalise à grande vitesse.

Ne commettons pas cependant l’erreur d’invoquer à tout bout de champ un prétendu « modèle français ». Ou alors, comme le dit ironiquement Alfred Grosser, il s’agirait d’un modèle défini, par opposition au modèle scandinave, par la persistance du chômage, la violence des rapports sociaux et la défense des privilèges catégoriels, à quoi s’ajoute l’arrogance française qui a laissé croire que le non entraînerait une renégociation dans le sens de la gauche.

Il reste vrai que les Français comme les Européens perçoivent de plus en plus l’Europe selon le prisme de leurs inquiétudes. La réponse à la question : « l’Union européenne est une mauvaise chose pour la France » était au plus bas quand le chômage était stabilisé. A l’inverse, à l’automne 2003, selon l’Eurobaromètre, 86 % des Français déclaraient craindre que les développements de l’Union européenne conduisent à des délocalisations !

Alors que faire ?

Et d’abord, que faire du traité ? Certes, on serait en droit d’exiger de ceux qui tout au long de la campagne référendaire nous ont promis un plan B qu’ils le mettent rapidement en œuvre et qu’ils retrouvent de la voix. Le silence de ces Ponce Pilate de l’Europe est éloquent et montre que pour eux l’enjeu n’était pas, en réalité, l’avenir de l’Union.

Faut-il poursuivre les ratifications, par respect pour les pays qui ne se sont encore prononcés ? Faut-il attendre l’automne 2006 pour discuter, comme le prévoit le traité, si 20 Etats sur 25 l’ont alors ratifié – ce qui n’est pas garanti. Faut-il faire revoter les Français ? Je ne vois pas par quelle alchimie ils répondraient différemment  dans un an, dans deux ans.

Ici et là, on suggère de faire le tri à l’intérieur du texte. Gardons les parties I et II, qui n’ont pas fait l’objet d’énormes contestations, et laissons tomber la partie III (la reprise des traités existants). Ce serait une formidable hypocrisie, parce que les traités existants continueraient … à exister. Et rien ne garantit que les Français – et d’autres – accepteraient de digérer en deux plats ce qu’ils ont refusé d’avaler en un seul. Les anglais, et quelques autres libéraux, seraient en outre ravis de se débarrasser de la partie II (la Charte des droits fondamentaux). D’autres suggèrent de renégocier sur la partie III, qui à l’évidence ne passe pas. Mais qui en Europe aurait vraiment envie de remettre maintenant sur l’établi l’ensemble de la construction européenne ? Certains annoncent aussi un vaste mouvement qui s’emparerait des peuples européens, d’où surgirait, par un mécanisme non précisé, une Constituante européenne. Pure illusion !

Quelles pistes reste t-il ?

D’abord le mythe de la renégociation est désormais clairement écarté. Aucun des 24 autres pays n’a manifesté son envie de renégocier. Par ailleurs, il est démontré depuis ce week-end que Jacques Chirac n’est pas en mesure de porter cette volonté. De toute manière, nous ne voyons pas comment une renégociation se déroulerait à notre avantage – c'est-à-dire dans le sens souhaité par la gauche.

Alors faut-il se résigner à des arrangements homéopathiques : supprimer la présidence tournante du Conseil, instituer un Ministre des Affaires Etrangères commun … C’est totalement à côté de la plaque. Le seul problème pratique, et nous ne savons pas comment on peut y répondre, est d’améliorer la mécanique décisionnelle ingérable du Traité de Nice.

En réalité, nous pensons qu’il faut changer de pied et changer de cap, repartir sur une approche nouvelle, qui s’efforce de tenir compte de ce qu’attendent, semble-t-il, les peuples européens.

Pour les socialistes, cette nouvelle perspective ne peut se focaliser sur les institutions et doit plutôt s’efforcer de dégager des progrès concrets sur les sujets qui préoccupent nos concitoyens, afin de redonner à l’Europe du sens et de l’élan. Nous souhaitons que les socialistes en soient la force propulsive, ce qui suppose qu’ils se dotent d’un programme commun des socialistes européens en 5 points :

1) Bâtir un cœur d’Europe avec les pays dont nous sommes les plus proches et avec qui nous voulons aller plus loin.

2) Un moratoire sur les élargissements tant que le projet européen n’est pas redéfini.

3) Une loi européenne pour défendre les services publics

4) Une politique européenne de l’industrie, de la recherche, de l’environnement, de l’immigration.

5) Une stratégie concertée et coordonnée de lutte contre le chômage.

C’est le sens du Manifeste pour l’Europe auquel nous travaillons !

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